Une clause de mobilité implique que le salarié accepte à l’avance que son lieu de travail soit modifié. Il ne s’agit pas d’une modification d’un élément essentiel du contrat, mais d’une simple modification des conditions du contrat de travail. Le salarié doit accepter la clause, mais son consentement n’est pas nécessaire pour sa mise en œuvre. En effet, un refus illégitime de la part du salarié de la mise en œuvre de la clause de mobilité peut justifier un licenciement pour faute grave.
I- Les conditions de validité
Pour être valide la clause de mobilité doit figurer dans le contrat de travail, ou avoir été rendue obligatoire par un accord collectif, à condition que le salarié ait été informé de l'existence de cet accord au moment de son engagement et mis en mesure d'en prendre connaissance. (Selon l’article L2242-22 du code du travail, un accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences peut porter sur la mobilité professionnelle et géographique des salariés).
Ensuite, la clause doit précisément circonscrire le secteur géographique au sein duquel la mutation peut être décidée par l’employeur. Autrement dit, il ne faut pas que la clause confère à l’employeur le pouvoir unilatéral d’étendre la portée géographique.
Classiquement, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que la clause de mobilité n’est pas valide lorsqu’elle se contente de stipuler que le lieu de travail pourra être modifié selon les besoins de l’entreprise.
Les juges refuseront également de considérer comme valablement rédigées, les clauses permettant à l’employeur de modifier de sa propre initiative le secteur de travail sans cantonner ledit secteur. Quant au degré de précision, les juridictions ne sont pas très pointilleuses, autorisant les mentions « régions d’affection » et « région limitrophes ».
Il n’y a pas vraiment de limite de distance entre le secteur originel et le secteur de mutation après changement du lieu de travail. Ainsi la Cour de cassation a considéré que la clause couvrant toute la France était valable (Cass. Soc. 9 juillet. 2014 n° 13-11906).
II- La mise en œuvre de la clause de mobilité
Celle-ci doit se faire dans le respect des procédures prévues par le contrat ou par la convention collective comme un délai de prévenance ou les limites géographiques stipulées dans ladite clause. Ensuite, la mise en œuvre de la clause de mobilité ne doit dégénérer en abus et son exécution ne doit pas être déloyale, respecter la bonne foi contractuelle et doit de ce fait, n’être mise en œuvre que dans l’intérêt de l’entreprise.
La jurisprudence contrôle les conséquences familiales de la mutation, les difficultés d’accès au nouveau lieu de travail, le caractère soudain ou brutal de l’annonce.
C’est le salarié qui doit prouver que la clause a été mise en œuvre pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise, ou dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.
Il s’agit donc d’un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte que le salarié subi et l’intérêt de l’entreprise. Cette proportionnalité permettra de définir si le salarié peut, ou non, légitimement refusé la mise en œuvre de la clause.
On rappellera également que l’accord du salarié est exigé lorsque l’employeur modifie dans le cadre de la mobilité contrainte un élément essentiel du contrat de travail (changement de fonctions, horaires de nuit, modification de la rémunération). Dans le cas contraire, la mise en œuvre de la clause s’impose au salarié et son refus peut justifier son licenciement pour faute grave (Ccas. Soc. 12 juill. 2018 n° 17-13037).
III- Illustration jurisprudentielle : le cas de monsieur C.
La situation n’est pas banale : Le cabinet Damay Avocats a défendu à 2 reprises à 10 ans d’intervalle le même salarié contre 2 employeurs différents, de 2 branches professionnelles différentes, qui ont appliqué une clause de mobilité inscrite dans le contrat de travail. Devant son refus d’accepter le nouveau lieu de travail, le contrat a été rompu.
Dans les 2 cas, le conseil de prud’hommes avait validé la clause de mobilité et sa mise en œuvre.
En revanche, devant la Cour d’Appel :
Dans la première espèce (CA de Paris 25 septembre 2013 – RG 11/10256), monsieur C. exerçait alors en tant qu’agent de sécurité dans une grande entreprise du secteur (SAMSIC). Il avait été muté soudainement à Nemours, aux confins de la région parisienne. Il ne s’est pas rendu sur le nouveau poste et a été placé en absence injustifiée. Puis il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
La Cour d’appel a constaté la validité formelle de la clause mais a pu caractériser l’abus de droit dans sa mise en œuvre aux motifs de l’impact sur sa vie privée et familiale (enfants en bas âge scolarisés), et de la longueur des trajets nécessaires sans que l’entreprise ne recherche de solution alternative ni ne propose de mesures d’accompagnement suffisantes.
10 ans plus tard, monsieur C. est devenu conducteur de camion toupie (bétonnière) sur un site à Pantin. Son employeur a invoqué une perte de certains contrats clients pour le muter hors de la région parisienne, ce qu’il a refusé. Il a été licencié pour « faute grave ».
Encore une fois la clause de mobilité a été validée dans sa forme mais la Cour d’Appel (CA Amiens, 07-02-2024, n° 23/00646) a considéré qu’elle n’avait pas été mise en œuvre de façon loyale, dès lors que la mutation à plusieurs centaines de kilomètres du domicile du salarié, impliquait nécessairement un déménagement et avait été imposée sans aucune mesure de soutien financier (prime, prise en charge des frais d’hébergement et de péages etc…)
On retiendra au final que si les clauses de mobilité englobent souvent des périmètres géographiques étendus, elles sont analysées par les juridictions à l’aune de l’intérêt de l’entreprise, du respect de la vie personnelle et familiale du salarié, et de la loyauté qui suppose d’aider son salarié à supporter cette mobilité contrainte…
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