« Les larmes ne se monnayent pas », tel était la position de la haute autorité administrative qui refusait à l’origine d’indemniser le préjudice d’affection. Ce préjudice est défini comme le préjudice moral subi par les proches d’une victime qui est décédée ou qui a été atteinte dans son intégrité physique. Le fondement principal de ce refus était la difficulté qu’éprouvaient les juges à indemniser ledit préjudice. Le conseil d’Etat a par la suite opéré un revirement de jurisprudence et décidé d’indemniser les souffrances morales des proches (CE, ass. 24 nov. 1961, Lebon 661). La réparation de ce préjudice est conditionnée (I), et autonome dans son étendu et son indemnisation (II).
I- Les conditions du préjudice d’affection
Il s’agit d’un préjudice que subi la victime indirecte, néanmoins le préjudice d’affection doit être directement subi par cette victime par ricochet. Il s’agit d’un préjudice qui lui est propre. Le lien de causalité entre l’état du proche et ledit préjudice doit être certain. Le lien de causalité est caractérisé de manière automatique pour les proches parents, ou pour le conjoint. De la même manière, le lien de causalité est également établi entre concubins dès lors que la relation est suffisamment stable. Néanmoins, le préjudice d’affection n’est pas cantonné à la preuve d’un lien maritale, ou de parenté. En effet, il est possible d’obtenir une indemnisation du chef de ce préjudice, en dehors de tout lien de parenté. La victime invoquant ce préjudice doit rapporter la preuve d’un lien affectif réel avec le défunt. Cela a été le cas par exemple pour la cousine d’une victime décédée qui lui portait beaucoup d’attentions et d’affections (CAA Paris, 6 juin 1995, n° 94PA01382).
Récemment, s’est posé la question du préjudice d’affection de l’enfant causé par le décès d’un parent lorsque l’enfant n’était pas encore né. Initialement, la haute juridiction refusait tout lien de causalité entre une la perte d'affection de l'enfant et la mort du parent. En effet, l’enfant ne pouvait pas éprouver un quelconque préjudice moral. Mais, la cour de cassation a récemment accepté de réparer un tel préjudice. Dès lors qu’il était conçu au moment de l’accident, l’enfant souffre d’un préjudice moral de vivre sans son père en lien direct avec le décès de son père (2ème civ, 14 déc. 2017). Cette décision a été également appliqué par la chambre criminelle. Celle-ci considère désormais que « le préjudice d’affection de l'enfant est caractérisé ainsi qu'un lien de causalité entre le décès accidentel et ce préjudice » (Crim.10 nov.2020 19-87.136).
Il s’agit d’un préjudice extrêmement large ne concernant pas que les victimes humaines, la jurisprudence considère de manière constante que la mort d’un animal, peut faire naître chez son maître un tel préjudice (ex : 1ère civ, 16 janv. 1962 ; Paris 23 janv. 2009 RG n° 07/12709).
Néanmoins, ce préjudice n’est pas sans limite, la cour de cassation refuse parfois d’admettre la réparation d’un préjudice d’affection. Citons par exemple pour la perte de possibilité pour les enfants d’une patiente victime, d’avoir des frères et sœurs CE 27 juin 2005 no 261574).
Il s’agit ainsi d’un préjudice qui est conditionné par le rapport de la preuve d’un lien de causalité certain et donc d’un lien affectif existant. Ce préjudice est en outre, un préjudice autonome dans son étendu et son indemnisation.
II- L’autonomie du préjudice d’affection dans son étendu et son indemnisation
Ce préjudice est propre à la victime par ricochet, il s’indemnise de manière autonome et son indemnisation n’est pas exclusive d’une autre indemnisation pour les mêmes faits. Ainsi, le préjudice de perte de revenu du proche, de perte de la qualité de vie due au décès du proche est indemnisable, indépendamment du préjudice d’affection. Tous les autres préjudices matériels sont ainsi réparés distinctement de l’affection qu’éprouve la victime.
Quid désormais d’un autre préjudice moral ? Ce préjudice est déjà un préjudice moral. Il semble dès lors impossible, au nom du principe de réparation intégrale sans perte ni profit, d’indemniser, outre ce préjudice, un autre préjudice moral. Cependant, la victime par ricochet, pourrait-elle, outre l’affection qu’elle ressent, se voir indemniser lorsque l'atteinte morale et la tristesse ont engendré un préjudice corporel chez le/la proche du défunt.
Par exemple, la Cour de cassation a considéré que la dépression était distincte du préjudice d’affection. Affirmant que le syndrome dépressif majeur, qui est subi dans le propre corps de la veuve, caractérise un déficit fonctionnel permanent (2ème civ, 23 mars 2017 16-13.350). En effet, la cour de cassation considère que ledit préjudice résulte du rapport à l’autre et que la dépression est une atteinte dans son propre corps causant un préjudice fonctionnel permanent.
Le préjudice moral d’affection est autonome dans son indemnisation. Les juges s'appuient librement sur des barèmes indicatifs. Le montant varie et peut être majoré, par exemple, un enfant qui perd un parent sera indemnisé plus fortement s’il est désormais orphelin. A titre indicatif, l’indemnisation du préjudice d’affection du conjoint ou du concubin en cas de décès de l’autre conjoint s’étend entre 20 000 et 30 000 euros.
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