Dans le secteur public, il y a l’exigence d’un principe de neutralité qui consiste à interdire aux agents publics de manifester leur croyance religieuse dans l’exercice de leur fonction.
Dans le secteur privé, il peut y avoir des litiges relatifs aux signes et pratiques religieuses en entreprise. Ainsi, dans le cadre d’une entreprise, si les salariés sont libres d’avoir une religion (I), cette liberté connaît des limites (II).
I- La liberté de croyance des salariés
L’article 1er de la constitution du 4 octobre 1958 consacre le principe de liberté religieuse. Cette liberté englobe la liberté de conscience (le for interne), et la liberté de manifester ses croyances ou ses convictions religieuses (le for externe). Quant au premier, cela signifie que l’employeur ne peut pas, lors de l’embauche, choisir son salarié sur des critères religieux. L’employeur ne peut en aucun cas poser une question relative aux signes et pratiques religieuses. Le salarié a le droit de refuser de répondre à une telle question. Par exemple, un ouvrier est libre de ne pas révéler sa qualité de prêtre lors de son embauche (Cass. Soc. 17 oct. 1973 n° 70-40.360). Une telle pratique peut caractériser un délit de refus d’embauche prévu par l’article 225-2 du code pénal. De manière générale, l’employeur ne peut contraindre un salarié à participer à une manifestation religieuse.
Il y a cependant l’exception des entreprises dites de tendance ou identitaires qui poursuivent des objectifs religieux (Ass. Plén. 19 mai 1978 n° 76-41.211). Nonobstant cette exception, la liberté de conscience est une liberté absolue et l’employeur ne peut y déroger. Quant au for externe, il s’agit de la possibilité pour le salarié de porter des signes religieux. Cette possibilité se justifie en vertu du principe de liberté d’exercer sa religion découlant de l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme.
Le principe de non-discrimination vient également protéger les salariés concernant les signes et pratiques religieuses en entreprise. Il ressort des articles L. 1132-1 et L. 1321-3 du code du travail : le salarié ne peut pas faire l’objet de sanction disciplinaire en raison de ses opinions politiques ou de ses convictions religieuses, principe inscrit dans la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000. Une telle discrimination peut constituer une sanction pénale à l’instar des discriminations liées à l’origine nationale ou à l’appartenance ou non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race.
Le salarié dispose donc d’une certaine liberté quant aux signes et pratiques religieuses en entreprise, mais cette liberté se heurte à plusieurs limites.
II- L’encadrement de la liberté religieuse en entreprise
A titre liminaire, l’exercice libre de la religion se heurte à l’interdiction du prosélytisme. Cela signifie que le salarié ne doit pas tenter de convertir des personnes à sa religion. En outre, un salarié ne saurait invoquer la liberté de religion pour se soustraire aux obligations résultant du contrat de travail. (Cass. Soc. 24 mars 1998 n° 95-44738 : à propos d’un employé d’un magasin d’alimentation refusant d’être en contact avec de la viande de porc). Pour les signes et pratiques religieuses en entreprise, le salarié ne peut pas contraindre l’employeur à s’organiser conformément à sa religion. Par exemple, une absence pour une fête religieuse nécessite une demande de congé payé qui doit être autorisée par l’employeur. De même des espaces de prière peuvent être mis en place au sein de l’entreprise, mais l’employeur n’y sera jamais obligé.
Concernant la question de la neutralité, s’est posé la question de la possibilité pour l’employeur de restreindre l’exercice de la liberté de religion par son employé. La cour de cassation avait initialement considéré que l’employeur ne pouvait pas interdire à une salariée de porter le voile islamique (Cass. Soc. 19 mars 2013 n° 11-28845). Donc le salarié était totalement libre concernant les signes et pratiques religieuses en entreprise. Cependant, après renvoi de l’affaire devant l’assemblée plénière (arrêt dit « crèche Babyloup », les juges avaient considéré que le licenciement était justifié par rapport à la nature des tâches à accomplir et qu’il était proportionné au but recherché (Ass. Plén. 25 juin 2014 n° 13-28369). Ensuite, deux arrêts de la cour de justice de l’union européenne sont venus valider le règlement intérieur d’une entreprise interdisant le port de signe religieux. Les restrictions doivent être cohérentes et systématiques et ne doivent créer aucun désavantage pour une conviction ou religion particulière sauf si cela est objectivement justifié, approprié et nécessaire et proportionné au but recherché (CJUE, deux arrêts du 14 mars 2017 C-157/15 et C- 188/15).
Dans ces arrêts, pour la limitation des signes et pratiques religieuses en entreprise, les juges européens considèrent qu’un tel règlement interne ne constitue pas une discrimination directe au sens de la directive de 2000 précitée. Mais, les juges affirment qu’il peut s’agir d’une discrimination indirecte s’il est établi que l’obligation de neutralité entraîne un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion particulière. Par exemple, le licenciement d’un médecin-chef catholique en raison de son remariage après divorce n’apparaît pas légitime (CJUE, 11 sept. 2018 C-68/17).
Cela confirme l’article 2 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 « El Khomri » a introduit un article L. 1321-2-1 dans le code du travail qui dispose « le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ». En l’absence de clause de neutralité limitant les signes et pratiques religieuses en entreprise, l’interdiction du port de signes religieux doit s’analyser en une discrimination directe sauf dans le cas où elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Tel n’est pas le cas s’agissant du licenciement d’un salarié fondé sur le port de la barbe en tant qu’elle manifesterait des convictions religieuses et politiques. (Cass. Soc. 8 juill. 2020 n° 18-23.743).
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